Les profils expérimentés dans les métiers du Growth (Growth Engineer/Growth Hacker/Head of Growth…) sont encorerares sur le marché du travail. La demande pour ces profils est forte. Lorsque l’on ajoute le mot-clé “Growth” sur son profil LinkedIn, on peut s’attendre à recevoir toutes les semaines des messages de recruteur. Mais, est-ce que l’offre correspond réellement aux attentes de ces profils ?
C’est un métier qui était nouveau il y a une dizaine d’années, mais qui approche de sa maturité. Les profils deviennent de plus en plus techniques et stratégiques. Adieu les petits hacks qui partent dans tous les sens. Toutefois, pour un métier dans lequel n’importe qui peut se prétendre « Growth« , comment trier les bons des imposteurs ? Dans le processus de recrutement, l’étape de l’étude de cas est devenue toujours plus courante. La majorité de mes dernières candidatures impliquait une étude de cas. Et, j’en ai vu des bonnes comme des mauvaises.
Commençons par définir la différence entre une bonne étude de cas et une mauvaise. La bonne étude de cas, c’est celle qui apporte du positif des deux côtés. Pour le recruteur, elle apporte la réassurance de recruter le profil le plus qualifié pour la mission proposée. Et, pour le candidat, c’est un challenge intellectuel qui lui permet de savoir si l’entreprise et la mission seront à la hauteur de ce qu’il recherche. Les mauvaises études de cas ne répondent pas à ces questions. Très souvent, elles ne sont écrites que pour le bénéfice du recruteur. Parfois, elles sont écrites à la va-vite. D’autres, demandent au candidat de travailler gratuitement. Et, occasionnellement, le contenu de l’étude de cas n’a rien à voir avec le quotidien de la mission proposée.
Depuis quelques années maintenant, je collecte toutes les études de cas que j’ai passé ou celles que mes amis m’ont envoyées dans un dossier dédié. Je collecte les bonnes comme les mauvaises. Et, lorsque c’est à mon tour de recruter, je consulte ce dossier pour m’assurer de ne pas reproduire des erreurs vues dans le passé. Dans cet article, j’aimerais vous transmettre ce que j’ai appris pour vous aider dans votre prochain recrutement.
Les mauvaises pratiques vécues
La première et la plus évidente, néanmoins toujours non respectée, est celle de faire travailler gratuitement le candidat. Il est encore très courant de tomber sur une étude de cas qui se résume à une phrase demandant de construire une stratégie de zéro avec un plan détaillé. Et, souvent, ce qui va de pair avec ce type de pratique est de ne pas limiter le champ d’action du candidat pour soi-disant lui laisser plus de liberté ou de créativité. Mais, sans champ d’action défini, votre étude de cas sous-entend deux choses : soit “on ignore où l’on va, on compte sur toi pour trouver” ou, soit “tu vas être embauché pour faire le travail de cinq personnes”. Et bien sûr cela peut sous-entendre aussi “on collecte un maximum d’idées gratuitement sans nécessairement recruter”.

J’espère que ce type d’étude de cas n’est pas toujours réalisée par des personnes malveillantes. Parfois, c’est seulement par paresse ou à cause d’une mécompréhension du type de profil que l’on veut embaucher. Mais, aux start-up qui profitent des études de cas pour bénéficier de travail gratuit, j’aimerais leur dire : on vous voit !
Un second faux pas à éviter, aussi lié à une méconnaissance des métiers Growth, est de ne pas adapter l’étude de cas au profil recruté. N’utilisez pas la même étude de cas pour recruter un profil Inbound que lorsque vous recrutez un profil Outbound. Pour le recrutement d’un Growth Engineer, les questions seront plus techniques que si vous recrutez un Growth Manager. Et, elles seront moins stratégiques si vous recrutez un Growth Hacker. Il faut autant d’études de cas que de poste ouvert dans votre équipe Growth. Aussi, posez différentes questions si votre start-up est en early-stage que si elle est post-série B.
Ci-dessous, un extrait d’une bonne étude de cas pour recruter un Head of Growth mais à ne pas utiliser pour un profil plus junior.

Enfin, j’aimerais bannir la pratique de donner des études de cas ultra-longues sans se soucier de l’emploi du temps du candidat. L’excuse est souvent de vouloir tester la motivation du candidat. Ceci peut s’appliquer à tous les recrutements. Cela m’est déjà arrivé de recevoir une étude de cas avec des exercices sur trois pages à rendre en 48 heures alors que la recruteuse savait que je travaillais à un temps plein. Comme je souhaitais vraiment ce travail, j’ai bachoté l’étude de cas jusqu’à tard dans la nuit pour rendre mes réponses sur 7 pages et un tableau Excel. Sans surprise, une fois rendue, l’étude de cas a été à peine débriefée par la recruteuse, ensuite, nous sommes passés directement à l’étape suivante. Mais, plus tard, suite à d’autres signaux négatifs, je n’ai pas souhaité continuer. Cette méthode est aussi discriminante pour les candidats qui ont un temps plein, ou bien des enfants. Les meilleurs profils Growth ne sont pas tous des jeunes célibataires qui aiment accumuler les projets personnels sur leur temps libre.
La légende qui dit que les meilleurs profils rejoignent une start-up pour travailler sous pression est fausse. Ce sera vrai pour une poignée de profil. Mais, dans la réalité, ce n’est pas avec des dates limites intenables et de la pression que l’on produit son meilleur travail. Les meilleurs profils souhaitent un environnement qui leur fournit des conditions incroyables. C’est pour cela que les études de cas que je rédige ne font pas plus d’une page et que je donne une semaine pour les réaliser. Si le candidat a besoin de plus de temps, je le lui accorde avec plaisir.
Les bonnes pratiques à suivre
Les objectifs d’une bonne étude de cas sont de comprendre comment le candidat réfléchi, mettre le candidat en situation réelle et lui partager un aperçu de sa future mission. Personnellement, lorsque je recrute un Growth, je ne souhaite pas recruter un sachant qui a réponse à tout. Mais plutôt une personne qui sait s’adapter à n’importe quelle situation. Une personne qui sait réfléchir. Et, une personne qui sait où aller chercher l’information. Cela ne me dérange pas que les profils que j’embauche cherchent des réponses sur Google ou en demandant à d’autres Growth.
Une première bonne pratique est d’être le plus transparent possible dans sa rédaction. Donnez un contexte et des données dans votre étude de cas. Même si elles sont fictives. L’important est d’offrir un cadre au candidat pour qu’ils puissent construire sa réflexion.

Ceci permet aussi d’obtenir une variété de réponse selon les candidats. Chaque profil interprète potentiellement le cas à sa façon. Certains Growth sont plus dans l’analyse que d’autres, certains préfèrent l’Inbound à l’Outbound, d’autres vont proposer des hypothèses plutôt que des solutions toutes faites.
Une deuxième bonne pratique est de rédiger vos questions comme des mises en situation :
- Vous devez encourager vos équipes Growth à produire plus d’expérimentations Growth, quelle méthodologie privilégiez-vous ?
Si vous recrutez un profil senior, vous pouvez inclure des questions sur son passé :
- Pouvez-vous partager deux initiatives de croissance que vous avez menées : comment les avez-vous identifiées, quels étaient les résultats, et comment avez-vous réussi à les atteindre ?
- Pouvez-vous partager deux expériences qui ont échoué ? Quelles leçons en avez-vous tirées ?
Si vous recrutez un profil plus opérationnel qui doit avoir des connaissances solides sur un outil. Plutôt que de poser des questions théoriques, vous pouvez lui créer un environnement de test et lui poser des questions précises sur cet outil. HubSpot ou Amplitude, par exemple, proposent des environnements de test faciles à créer. Cet exercice peut aussi être réalisé en direct pendant l’entretien avec un partage d’écran.

Le débriefing n’est pas une étape à négliger. Votre candidat a passé du temps sur vos exercices. La moindre des choses est de renvoyer un retour constructif et d’en discuter ensemble. Si les réponses du cas ne vous conviennent pas, envoyez un e-mail avec des arguments pourquoi le candidat n’a pas été retenu. Et, au cas où au contraire, elle aurait été réussie, ne vous contentez pas de dire « ok, étape suivante ». Ce serait perdre l’occasion d’avoir une conversation enrichissante sur l’avenir de votre équipe Growth en échangeant avec le candidat. Personnellement, je fais cet exercice avec tous les candidats que je rencontre. J’apprends toujours quelque chose de nouveau, et par ailleurs cela donne une meilleure image employeur, même auprès des candidats qui ne sont pas retenus.
Enfin, une dernière bonne pratique que j’ai vue récemment, est de ne pas avoir seulement des questions techniques, mais également des questions sur la vision du candidat. Vous n’embauchez pas un robot qui va dérouler de la croissance, mais un humain qui va interagir avec vous et vos équipes. Cela permet aussi de mieux comprendre pourquoi le candidat a donné telle ou telle réponse aux exercices précédents. Proposez ces questions par écrit à la fin de l’étude de cas pour des réponses plus intéressantes. Le candidat a eu l’occasion de se mettre dans la peau de son futur job, de savoir si c’est ce qu’il souhaite faire et de partager sa représentation de son futur impact dans la boîte.
- Qu’attendez-vous de ce poste ?
- Quelle est votre vision de ce poste ?
- Comment considérez-vous votre poste et votre relation avec la direction d’autres départements ?
- Où vous voyez-vous dans trois ans ?
Rédiger des études de cas personnalisées, transparentes et respectueuses pour le candidat semble éprouvant. Mais, c’est aussi un service que vous vous rendez. En gardant cette discipline, vous fournissez une bonne impression au candidat, cela vous aide à poser par écrit vos attentes et à recruter la meilleure équipe Growth pour votre entreprise.